La consultation philosophique, qu'est-ce que c'est ?
La consultation est un dialogue entre le philosophe et le sujet. Le sujet présente une question initiale soumise à l’examen conjoint du philosophe qui questionne et du sujet qui répond. La question initiale du sujet peut être formulée pendant le dialogue suite à la description d’une situation problématique. Le sujet ne pose qu’une seule question, la question initiale, les autres questions étant posées par le philosophe. Le philosophe peut prendre en note quelques concepts importants pour les garder en mémoire, tout en restant disponible à ce qui se passe dans le moment. L’exercice peut durer quinze minutes ou une heure, ou se faire en plusieurs étapes. Elle peut comporter une dizaine de blocs, un bloc étant fait d’une question du philosophe et d’une réponse du sujet, ou plusieurs pages, tout dépend du temps accordé à l’exercice.
Principes
S’initier au dialogue avec soi-même
Platon propose que penser est “le dialogue intérieur et silencieux de l’âme avec elle-même”. Pas simplement une conversation où l’on aurait une tendance à se complaire dans la narration de préoccupations, de mythes personnels et la recherche de réconfort. On met en œuvre des facultés cognitives telles que l’argumentation, la conceptualisation, la problématisation, le questionnement, l’exemplification, permettant d’analyser avec clarté une problématique ou un paradigme. La logique et le sens commun sont aussi très utiles pour articuler les idées.
Donner forme à la pensée
La consultation est l’exercice représentatif de la pensée, ce qui se fait habituellement intérieurement est mis au jour et peut devenir lui-même objet de pensée. Nous prenons mieux conscience de notre vision des choses, nous clarifions certains mécanismes.
Poser la pensée
Une structure de réflexion claire tranquillise la pensée car elle montre un chemin à suivre, une logique, elle permet de distinguer les idées, elle facilite le processus de décision. La clarté et la facilité ralentissent le rythme de la pensée, réduisent la nervosité, permettent de prendre de la distance par rapport aux idées examinées et diminuent le parasitage du “ressenti”. C’est un cercle vertueux.
Confusion
L’exercice de la consultation philosophique diminue ou élimine la confusion. La confusion a deux formes : cognitive et psychologique.
La confusion cognitive est la difficulté à comprendre de quoi on parle, à identifier une idée et à l’articuler. Elle relève de l’impatience de la pensée, se contente d’opinions communes. On n’approfondit pas l’enjeu d’une idée, on ne compare pas, on ne teste pas l’argumentation, on ne cherche pas d’exemple qui vérifierait sa véracité. On suit plutôt une association d’idées, qui ne sont pas substantiellement connectées.
La confusion psychologique est liée aux sentiments, c’est le désir de tout vouloir prendre en compte, qui empêche de faire des choix, tout semble avoir une valeur qu’on perdrait si on abandonnait une option. Ou elle est provoquée par la crainte de faire face à certaines pensées. On s’entoure donc d’un certain brouillard.
Décentrement/recentrement
On apprend ainsi à se décentrer, à ouvrir son esprit au monde et à le soustraire, du moins momentanément, à l’emprise des sentiments et émotions, pour le rendre plus analytique. Par voie de conséquence, c’est une façon de se recentrer, de concentrer l’esprit sur l’essentiel.
Détachement
On se détache donc du familier, du confortable, du rassurant pour explorer l’inconnu, l’impensé, l’altérité.
Travail des émotions
Le travail de la consultation n’implique pas de faire disparaître les émotions. Mais il entraîne spécifiquement les compétences de la pensée, d’une façon autonome et analytique. Il permet d’exercer sa pensée indépendamment des sentiments, émotions, désirs, projections ou craintes dans sa compréhension de la réalité.
Résumé des principes :
La consultation exige un minimum de rigueur, clarté, logique, ce qu’on peut résumer par l’esprit critique. Elle permet d’observer ses pensées comme des phénomènes et d’identifier des attitudes typiques visibles dans certains mots ou façons de répondre.
Il y a cependant des obstacles :
La complaisance
C’est la disposition de s’adapter aux goûts et aux sentiments d’une personne. Elle est tournée soit vers autrui, soit vers soi-même. Dans notre cas de figure, il s’agit de soi-même. On est compréhensif, on est d’accord et on tient certaines opinions pour acquises ou évidentes.
La complicité
De ce fait, on entretient une recherche de confort, on y participe, on tend à rassurer et renforcer des certitudes, même si c’est souvent malgré nous.
L’aveuglement
Le sens critique est réduit ou annihilé par la crainte de la douleur, de la peine et des aspects négatifs du fonctionnement personnel.
L’évitement d’un problème
Un problème est une idée qui surprend, par absence de lien logique, par sa soudaineté, par sa confusion. Il implique des difficultés de résolution et dérange, génère un inconfort, une peur, un dégoût, en fonction de la tendance de la personne.
En bref, la consultation permet à la pensée de prendre le temps d’examiner des idées et de les approfondir. Cet exercice nécessite de se poser et de penser rationnellement. C’est un moment privilégié où il est possible de développer sa compréhension de certains phénomènes mentaux, psychologiques ou existentiels, leurs implications et éventuellement de trouver des solutions, de faire des choix. La consultation met entre parenthèses le quotidien pour favoriser la concentration sur l’objet à examiner. Globalement, elle permet de mieux se connaître.